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I Believe In Father Christmas
Courrier

  I                                                                                                                                            Andrésy, 21 Novembre 1996.

Chère Caroline

 

Rassure-toi : je ne t'oublie pas. Je ne le voudrais pas et ne pourrais pas. Je réponds toujours aux lettres et, quand il m'arrive d'attendre c'est toujours parce que je veux répondre avec soin à quelqu'un qui "compte" beaucoup pour moi.

J'ai beaucoup apprécié ton passage parmi nous, mais de Toi je ne parlerai pas au passé : je t'estime et t'aime pour être ce que tu ne peux manquer de continuer à être : une personne sensible, intelligente, honnête dont les qualités s'affirment et n'ont pas fini de s'enrichir et se développer. Tu sais prendre un peu partout (toi qui voyage...) ce qui peut t'enrichir et je suis sûr que l'éducation donnée par ta famille est ta première belle chance. Le Liban trop souvent meurtri est traditionnellement à la croisée des cultures, des langues, des religions : un carrefour qui serait point de convergence de mille lumières, si l'homme n'avait aussi de mauvais penchants (les haines aussi se rencontrent, se heurtent, opaques, compactes, bêtes.)

Remarque que j'ai choisi pour toi : "personne" et non "enfant". Le second serait juste aussi : l'enfant est une personne qui a encore intacte les capacités de se transformer et progresser. En cela il est nettement supérieur à l'adulte et plus "intelligent" que lui. (Et l'adulte ne doit jamais se considérer comme "achevé" mais garder un esprit d'enfance et un besoin d'apprendre.) Ce qui me gêne dans le mot "enfant" c'est l'idée que s'en font trop d'adultes : l'adulte est celui qui "sait", l'enfant, celui qui ne sait pas encore et qui "obéit". L'enfant, pour ces adultes, est une espèce inférieure, presque un simple d'esprit provisoire, alors qu'il a une capacité d'apprendre qui fonctionne à un autre rythme que celle de l'adulte qui "sait" tout.

Tu m'as entendu te dire (ou à d'autres) que je vous estimais, que je vous respectais (mots réservés pour les jeunes à l'égard de leurs aînés.) Je puis t'en donner la raiso : on ne change pas tellement au fond : la sensibilité d'un être, sa générosité, ses aspirations (au beau, à l'amour, à la justice) ne changent pas vraiment. Seules changent nos connaissances, nos capacités (à nous d'améliorer ces domaines essentiels ! ) Nous restons pour l'essentiel (et on peut l'espérer : pour le meilleur) NOUS-MÊMES. Les écrivains le savent, qui ont conservé intacts leurs sentiments f'enfance et d'adolescence, tel François Mauriac qui n'avait rien oublié de sa jeunesse et ne sentait sa vieillesse que dans le regard porté par les auters sur son enveloppe corporelle.

Les coeurs n'ont absolument pas d'âge. L'amour ou la sensibilité non plus, ni l'amour de l'art. En fait rien de ce qui est important.

L'âge n'a pas trop d'importance pour des êtres qui savent se parler. J'ai une Amie très proche de plus de cent deux ans et lui parle comme à Toi en ce moment. Il n'y a qu'UN langage, coeur à coeur : de confiance et d'estime partagée.

te parler comme à un être humain que comme à un enfant _(écrit dans la marge)_

II                                                                                                                                                  Andrésy, 24 Mars 1997
22H30

Chère Caroline

 

Voici ce que j'écrivais en novembre. Je te donne tel quel ce que j'avais gardé comme brouillon pour une letter nouvelle. Je trouvais m'être mal exprimé dans la seconde page et une répétition tombait à point pour me donner prétexte à recommencer.

Bien que cela n'excuse en rien mon long retard... tu verras qu'il n'y a pas d'oubli ou d'indifférence de ma part. Je regrette beaucoup de n'avoir su refaire et continuer cette lettre avant que tu reviennes. Me pardonneras-tu ?

Je suis un Ami des longues distances : dix, vint, trente ans d'Amitié n'émoussent pas mémoire et sentiment. Avec Toi je n'eux pas dû attendre, car à ton âge le temps apparaît différemment.

Voici comment je voulais continuer ma lettre :

Il faut que je te dise combien la qualité de ta gentillesse m'a touché : il me semble y voir plus que de la bonne éducation, plus que de l'intelligence et plus que des qualités de coeur : l'union de tout cela. Puisse grandir avec Toi ces qualités que j'admire.

C'est avec une surprise émue que je t'ai vue le 5 septembre arriver avec un livre : tu avais pris le soin délicat de te renseigner sur la date et la retenir plusieurs mois avant. Je te rappelle que tu as écrit dessus : "Merci de nous aimer autant". A tort ou à raison, je pense crois aimer beaucoup tous mes élèves et je pense, malgré les moments de fatigue avoir du bonheur à faire ce métier et de la joie de voir chaque enfant (y compris au coin de la rue.)

Pourtant un autre enfant n'aurait pas écrit cela mais : "Je vous aime bien" "Merci d'être gentil avec moi". Tu échappes à cet égocentrisme et tu touches le sujet qui compte le plus pour moi : aimer. Amour (des autes, du métier, des enfants...) ou encore amour de la poésie, de la musique, des mots... J'aimerais tout aimer et tout faire avec amour (mais ne tombons pas dans l'angélisme : je suis loin de ce rêve.)

En une autre occasion tu as défini ce qu'il te semblait que j'avais contribué à t'apporter. C'était très justement les points sur lesquels j'insiste plus que mes collègues, ceux qui me tiennent à coeur (comme la beauté des mots...)

J'espère te revoir de loin en loin pour savoir ce que tu deviens. J'espère aussi te lire, car tu écriras de mieux en mieux et il faut que tu saches que c'est un merveilleux moyen de communication (ne me condamne pas trop sur un "blocage" bien rare chez moi, je suis bel et bien quelqu'un qui écrit aux gens qu'il aime et ne les abandonne jamais.) (... et, que j'aime écouter !)

Il y a longtemps que je vois grandir des élèves. Certains sont devenus des copains et ont des enfants plus grands que toi. Ils ont souvent craint, vers l'adolescence "que je les prenne encore pour des enfants" - d'où gène de leur part. - Adultes ils ont pris conscience d'être avec moi sur un plan d'égalité et toute gêne a disparu.

III

Avec Toi je pense qu'il n'en sera pas ainsi car tu ne peux avoir le sentiment d'être traitée en enfant. Je sais que tu nes pas une adulte. Je reviens donc à cette notion de "personne" énoncée au début de la lettre. Il faut traiter tout le monde EN PERSONNE (non en enfant, en femme, en noir, en employé, en patron, en infirme... etc)

Là se pose le problème de ma lettre : n'est-ce pas viser trop haut que d'écrire à une enfant de 10 ans une aussi longue lettre, avec des pensées parfois complexes et un langage pas toujours simple ?
Il peut sembler irréaliste d'écrire telle lettre à une fille de ton âge...

Je ne le crois pas du tout : tu comprends l'essentiel. Tant pis pour certains détails. La psychologue Françoise Dolto disait qu'il fallait parler aux bébés, leur expliquer longuement les choses. "Ils comprennent" disait-elle. Toi qui n'es pas un bébé, je suis sûr, avec la perception que tu as de moi, que tu comprends à peu près tout.

Je comptais aussi te parler de l'école, des camarades, de musiques très chouettes que j'ai dégottées... J'en suis bien incapable ce soir, étant assez fatigué. J'espère être compréhensible et ne pas faire de fautes à tous les mots.

Pardonne-moi de t'avoir fait de la peine en tardant tant à répondre. Je pense que tu me connais et n'as jamais cru en mon désintérêt pour Toi ou pour tout autre.

Présente aussi mes excuses  à ta Maman. Malgré mon estime pour elle, je la connais peu et elle m'intimide... (Toi aussi d'ailleurs). Remercie-la.

Il est deux heures. Je suis coutumier des heures tardives mais aujourd'hui je n'arrive même pas à me relire. Je ne suis donc recopier ces brouillons qu'il eut fallu récrire.

Salue pour moi ton frère (et toute la famille)
J'écrirai bientôt à Maman.

Avec fidélité,
                                            je t'embrasse.

Pol Lasbleis

 

 

 

C'est une lettre de mon professeur de CE2. Je l'ai retrouvée dernièrement, et je l'ai relue. Elle m'a beaucoup touché, et je ne peux pas juger de la vérité de ce qu'il a "prédit" pour moi. J'espère simplement que c'est le cas, et j'attends d'avoir l'avis de ceux qui me connaissent.

Je serais réceptive à tout jugement, j'ai décidé de faire dans la tolérance et de prendre sur moi, si ça risque de ne pas me plaire, même si mon moral n'est pas très en forme...

J'attends donc des réactions, ou pas, ne vous forcez pas.

Mais ça fait toujours plaisir de relire des trucs comme ça, et si c'est/c'était vrai, ça ne pourra que me faire encore plus de bien.

Je n'ai pas fini ce post, je vais ajouter des photos de la lettre, elle est écrite à l'encre et plume, traditionnellement. Papier blanc pour le "brouillon", bleu pour la suite.

En espérant que vous ayez eu le courage de tout lire. Ce sont des beaux mots, ça vaut le coup.

Je m'en lasse pas, personnellement.

Ecrit par Cowboy Bill, à 01:21 dans la rubrique "Memoirs of an Officer and a Gentleman".